Présentation
Pitch
Petit-Jacques est un enfant plein de désirs et d'idéal déçus que les forces du Monde et de la Nature parviendront à faire grandir.
Postes recherchés
Comédiens, ingénieur du son, costumier, accessoiriste, machiniste, électricien, régisseur.
Matériel et accessoires recherchés
A définir
Dates de tournage
Objectif : septembre-octobre 2020
Stade actuel d'avancement
En dernière réécriture avant une pré-production souhaitée.
Synopsis
Petit Jacques est un enfant aussi petit de taille qu’impétueux et étourdi. Alors qu’il se réjouit de partir pêcher à la campagne avec son père qu’il ne voit qu’occasionnellement, sa mère appelle son ex-conjoint et le somme de ramener l’enfant. Face à cette situation, Petit Jacques sera happé par l’aventure qui l’appelle et l’obscurité d’une mystérieuse forêt.
Note d'intention
DE LA SCISSION
Qu’est-ce qu’être un fils ? Et alors, qu’est ce qu’un père ? C’est cette question antédiluvienne que ce scénario se propose d’aborder. Le projet est né d’un souvenir intime très profond de l’ enfance, probablement partagé par beaucoup. Le souvenir non d’un événement précis, d’une histoire particulière, mais d’une sensation. Celle de l’inconditionnelle idéalisation du Père. Une sensation forte car complexe, mêlée, et exacerbée en outre par la situation que connaît Petit Jacques au début du récit, à savoir la séparation de ses parents. Au-delà de la séparation, c’est l’ angoisse enfantine de devoir laisser un parent, souvent le père, au terme de la période de garde. Un moment de scission en soi, que l’ on désire par dessus tout repousser, cause d’images si fortes qu’elles sont souvent fondatrices de toute une mythologie intérieure.
Père, c’est l’histoire de deux mondes qui s’ opposent et se retrouvent. Celui de Petit Jacques, fait d’aventures, de découvertes et d’illusions ; et celui du monde adulte, de la contingence, du réel, du temps ordonné et compartimenté, du temps qui condamne les rêves, les relations, l’ existence. Petit Jacques a ainsi toutes les qualités du rêveur : il est curieux de tout, sensible à toutes les formes de beauté, avide de toutes les découvertes. Comme beaucoup d’ enfants, il voue un véritable culte à son père. Cette figure qu’on désire imiter, que l’ on mime presque dans chacune des ses attitudes, de ses accoutrements. Sous le prisme du regard enfantin jaillit ainsi un véritable monde d’héroïsme autour de le figure paternelle. Et le cinéma offre la possibilité de saisir ce qu’il y a de puissamment fantasmagorique dans cette projection et nous livre toute sa dimension mythique.
DE L'ILLUSION
En effet, j’ai souhaité montrer de quelle manière la naïveté, le rêve, l’illusion sont les véritables moteurs de toute existence, en même temps qu’ils peuvent se révéler de véritables pièges mortels qui sabotent notre devenir nous-même. Dans ce monde d’enfant bercé d’absolus règnent une mère tyrannique et un père héroïque : la captivité face à la liberté. Petit Jacques préfère se réfugier dans l’ illusion. L’illusion quant à ce que sont réellement ses parents : une mère certes autoritaire mais peut-être avant tout inquiète ; un père certes à l’ origine de découvertes et d’amusement, mais finalement incapable de tenir ses promesses. Illusion d’un monde infini de jeu, d’aventure, d’une vie éternelle. Père se propose ainsi de prendre la forme d’une allégorie a priori simple, pour travailler dans sa structure cinématographique même la complexité
qu’entretiennent certains enfants avec leurs pères. Ce film explorera autant l’ exaltation, l’immense pulsion de vie que permet l’idéalisation du monde qui nous entoure que la douleur qui survient au moment de la désillusion. Petit Jacques, c’est la force vitale primitive incarnée. C’est ce personnage qui introduira une poétique de l’animalité et de la joie par le jeu, permettant ainsi des moments de comédie burlesque. Il court, chute, exagère tous ses mouvement : il est pure corporalité. Mais une corporalité symboliquement fusionnée au corps du père. C’ est ici que s’introduit notre réflexion sur la triple identité du père, que j’ai séparée en trois personnages distincts : le Père biologique, dont on ne verra le visage qu’ à la toute fin du film, afin de marquer son absence fondatrice qui mènera à une idéalisation sublimée en la personne du pêcheur, le Père spirituel. Le premier visage que la caméra capturera comme celui du père de Petit Jacques sera le visage du pêcheur. Ce personnage fantastique, véritable figure mythique du sage tranquille, qui opère le lien entre la figure paternelle et le cosmos. Une matérialisation d’un père biologique là mais absent de l’image, nié par la caméra comme Petit Jacques nie sa véritable identité. Celle d’ un homme comme les autres, qui a échoué dans sa vie sentimentale, qui s’ engouffre trop facilement dans le conflit et l’ aigreur («la harpie»), incapable d’imposer une autorité juste à un enfant dilettante. Un homme ordinaire que la caméra n’acceptera de filmer que lorsque Petit Jacques, devenu Jacques, acceptera de le regarder. Un consentement qui n’adviendra qu’après que le pêcheur ait fait de Petit Jacques un adulte en devenir en même
temps qu’un Père en devenir. En somme, qu’il ait fait de lui l’authentique héros de ce récit.
DE L’HÉSITATION
Stylistiquement, Père se nourrira de ce conflit entre réel et surnaturel. Fortement influencé par le fantastique littéraire, pictural et cinématographique, j’ai tenu à ce que chaque étape décisive du parcours de Petit Jacques puisse susciter l’ hésitation entre une interprétation soit naturelle soit surnaturelle. En cela, la littérature de Jules Barbey d’Aurevilly a été fondamentale pour moi et j’ai écrit ce film, au-delà des thèmes et époques abordés, dans le même questionnement esthétique du réalisme et du fantastique. En somme, ce qui m’intéresse, c’est la mise en sensation de l’indicible. C’est en ce sens que seuls les sons directs de la nature et des personnages composeront l’univers sonore du film. Une absence de musique où s’ engouffreront fantastique et impressionnisme. Le mouvement de la nature perturbera la notion du temps du spectateur lorsque chaque élément de la forêt se rejoindra. Chaque son résonnera alors comme une symphonie sensorielle. La Nature sera ainsi l’ultime personnage qui réalisera la réunion entre la tripartition des pères.
L’ absence de musique fera alors résonner d’autant plus fort la scène de la flûte. Scène d’acceptation douce-amère où Petit Jacques, filmé en courte focale au coeur de bois que les rayons du soleil éclairent maintenant parfaitement, assis sur le rocher du pêcheur, se met à jouer comme jamais auparavant, dans un lent travelling latéral. La communion magique est scellée par l’unique mélodie du film.
À tout moment, le spectateur devra pouvoir faire ce choix, laisser résonner le film selon sa propre représentation paternelle, selon sa propre mythologie intime. Puisqu’ en définitive, c’est une dimension profondément mystique de la nature qui est travaillée ici, influencée par les travaux universitaires que je mène actuellement sur la Naturphilosophie de Friedrich Wilhelm Schelling. J’ai ainsi voulu ce film à la croisée entre la conception philosophique que le romantisme occidental du XIXe siècle se fait de la nature et la philosophie zen asiatique. Si Petit Jacques veut devenir qui il est vraiment, libéré de l’ entrave que constitue pour lui le divorce qui a provoqué cette scission en lui, il devra apprendre à accepter le réel tel qu’il se présente à lui, mais aussi la patience, la modestie face à la nature. C’est ce rapport de confrontation vers l’unité du soi qui est ici une unité avec le monde qui nourrira l’esthétique du film. De la même manière, la confrontation et le mélange des genres cinématographique m’intéresse beaucoup. Si bien que ces éléments de réalisme social «à la française» pourront - je l’ espère - cotoyer des éléments clairement fantastiques, inspirés de l’ onirisme enchanteur et décomplexé des films d’animation d’Hayao Miyazaki ou du mysticisme photographique de Terrence Malick.
DE LA SYNCHRONICITE
Mon souhait est ainsi de faire de Père un récit cosmogonique ou simplicité et complexité s’ enrichissent constamment. Et ce en célébrant l’Homme comme un héritier des temps passés. Une hérédité qui ne doit signifier ni fusion ni imitation mais qui doit pouvoir subir, à la manière du rythme cyclique de la nature, la cyclicité des mouvements de séparation et de réunion. C’est ainsi que la Nature sera tout d’ abord source d’angoisse. Le vent happe Petit Jacques vers la forêt obscure : l’usage d’une longue focale me permettra ici de «raccourcir» la vision du spectateur et ainsi d’accentuer son sentiment d’insécurité dans un univers inconnu et mystérieux. Je pense ici tout particulièrement à l’utilisation que fait le photographe Vincent Munier de son téléobjectif pour capturer les animaux de la forêt (voir iconographie). Le passage à la longue focale nous permet également de signifier la séparation brusque avec le monde et le repli de Petit Jacques sur lui-même : lorsque la flûte lui résiste, lorsqu’il craint de devoir quitter son père ou encore lorsqu’il apparaît apeuré face à la forêt. À l’inverse, la courte focale nous offrira la sensation d’un personnage fondu dans son environnement, unifié. La Nature «s’ ouvrira» à Petit Jacques à mesure que se raccourcira la focale, afin de lui permettre de trouver son identité. De la même manière, la lumière a été pensée dès l’écriture du scénario afin de faire vivre, ou encore mieux revivre, au spectateur les changements qui s’ opèrent dans cette impression si singulière qu’ est celle d’ être le fils de son père. Nous aurons donc des changements d’univers spatiaux et lumineux, chaque univers ayant son propre réseau de symboles : l’ esthétique aseptisée de la voiture électrique moderne et ses lumières vives qui jureront avec l’ambiance brumeuse du paysage rural traversé, et plus encore avec l’obscurité de la forêt. Une forêt qui se dardera d’une lumière fantastique à mesure que Petit Jacques se révèlera à lui-même.
Cette confrontation des lumières se trouvera réharmonisée en fin de film, où la lumière chaleureuse de fin de journée habillera enfin de manière égale l’habitacle de la voiture.
Références iconographiques
- la profondeur de champ de Terrence Malick dans Les Moissons du Ciel (1978)
- Le travail d'illustrateur de Gustave Doré pour sa représentation à la fois angoissante et mystique de la forêt
- La photographie de Vincent Munier
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- La naïveté des "egoyomi" et "ukiyo-e" traditionnels japonais (voir esquisses de la note d'intention)
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Extrait de la continuité dialoguée
PETIT JACQUES (mutin) :
Un jour on ira pêcher en mer, d’accord ? Sur un gros bateau. Tu sais conduire les gros bateaux, toi ? Moi j’pense que tu sais! Par contre il faudra s’attacher à cause des vagues géantes, pas vrai ? Tu crois qu’on pourra voir des baleines ? Moi j’veux pêcher un poisson au moins grand comme ça ! (Il ouvre brusquement les bras et manque de tomber en arrière) Tu as vu ? Le plus gros poisson que tu aies pêché toi, c’ était quoi ? Ils sont gros les poissons ici ?
LE PÊCHEUR (d’une voix ferme et douce à la fois) :
Ici, il n’y a pas grand chose de plus que des truites. Et des petites barques en bois. C’ est très bien comme ça. Maintenant sois un peu plus attentif, s’ il-te-plaît.
Lieux de tournages
Dans les environs de Sewen, Haut-Rhin.